De la conque de lambi au dernier fauteuil gris fumé de la marque italienne Kartell, il n’y a qu’un pas que franchit allègrement Florence Edmond. Designer martiniquaise, la jeune femme nous propose son regard sur l’intérieur créole fait de syncrétisme post moderniste. 

Et si décorer son intérieur c’était se mettre en scène, poser un regard subjectif où l’affect prendrait le pas sur la raison… Nous nous laisserions aller à illustrer par 1000 détails concrets, ce que nous sommes de plus singulier. L’intérieur se définirait comme contenu du dedans, « l’entre les murs » ; mais aussi et surtout comme relevant de l’esprit : l’intime.

L’utilisateur-metteur en scène, collectant les objets, les rassemblant, les rapprochant, il deviendrait le narrateur, le créateur d’une installation. Les objets, un paysage sensoriel qui donne accès à un vécu particulier ; ici la sensorialité est en lien étroit avec la matérialité des biens, la relation aux objets participe au processus de subjectivation.

Les choix s’opèreraient d’abord avec le cœur ensuite viendrait la raison

L’esthétique devient alors une histoire personnelle, dictée par la « collection » d’objets amassés, chinés, choisis, hérités… Les objets intimes, durables et irremplaçables, les objets obsolescents programmés pour ne durer qu’un temps ; Les objets précieux autant que les petits bouts de rien, ceux d’hier et ceux d’aujourd’hui, les artéfacts d’Ici et ceux d’ailleurs… La culture comme point de départ et aboutissement, celle qui se construit, individuelle ; celle qui commence avec l’Histoire et se développe avec son vécu. Des objets avec leurs biographies et leurs identités.

La conque de lambis et la dame-jeanne avoisinent ainsi les photos d’aïeux, les masques africains et les œuvres d’art contemporain de Henry Guédon, Ricardo Ozier Lafontaine ou David Gumbs. Le design fraye avec  la console centenaire porteuse de mille et une survivances.

Décoration intérieure tout à la fois Art populaire et techniques savantes

Elle est savoir-être et savoir-faire empreints du Lieu. Métissant, créolisant, un art du détour, de l’accumulation, de l’oralité. Au carrefour elle est multiple et unique.

Elle vit dans son temps mais dit oui à la réappropriation d’objets appartenant à notre culture matérielle, révélateurs d’une histoire, véritables marqueurs sociaux souvent dits désuets, pauvres ou kitchs. Elle s’inscrit dans la modernité tout en faisant l’éloge de traditions, contemporaine elle sait être d’Ici et d’ailleurs. Elle connait l’épure mais se pare telle une matadore endimanchée.

Par Florence Edmond

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